Proposition : Thierry Besche.
Conception et réalisation sonore : Benjamin Maumus.
Interactions : Julien Rabin.
L’oeuvre musicale, qu’elle soit issue d’un répertoire classique ou contemporain, est ici détachée de sa situation traditionnelle d’interprétation et d’écoute que constitue le moment du concert. Celle-ci, grâce à des techniques d’enregistrement innovantes, est remise en jeu et prolongée dans une forme de relation nouvelle à l’écoute : celle d’une installation interactive multi-sensorielle et immersive. Il est proposé à l’auditeur de vivre une expérience inaccessible en situation de concert : se déplacer dans l’espace et donc éprouver la complexité et la richesse de la relation entre le lieu et la musique.
L’idée de cette proposition est de relier patrimoine et musique contemporaine via l’utilisation des technologies numériques innovantes pour offrir au grand public dans des lieux patrimoniaux un nouvel accès au spectacle vivant ainsi enrichi.
En imaginant décliner l’Autre Rive sous la forme d’une installation sonore, il nous a fallu revenir aux principes mêmes de l’écriture musicale. S’il ne s’agit pas ici de reproduire ni de recréer les sensations éprouvées au concert, mais plutôt d’inventer de nouveaux modes de relation à la matière sonore, une cohérence formelle avec la manière dont s’articule la pièce dans sa version concertante doit émerger de manière évidente dans l’installation.
Plutôt, l’enjeu est de réunir en un seul et même lieu des situations d’écoute qui diffèrent lors du temps de concert. En soi, ceci est à rapprocher du déplacement des auditeurs entre les deux zones "chorales" lors de l’entracte du concert. La différence est qu’ici nous jouons sur un temps musical "unique" (la pièce n’étant jouée qu’une fois), et que l’auditeur est invité à se déplacer et à choisir d’explorer les différents espaces sonores pendant le temps musical. La difficulté étant de scinder, de manière sensible, ces différents espaces sonores sans matériellement pouvoir les isoler acoustiquement (il est de toute façon important de conserver le principe essentiel de "perméabilité sonore" entre les espaces).
Aussi, des choix se sont imposés rapidement grâce aux couleurs des espaces propres à la captation de l’Abbaye de Noirlac : l’espace dit "des Grecs", ample et immersif, contre l’espace dit "des Arabes", sec et intime. Le troisième espace constituant de la pièce musicale, qui pour nous deviendra une troisième zone de diffusion sonore pour l’installation, existe dans "l’entre-deux". C’est le cœur de l’oeuvre dans lequel cohabitent de manière plus ou moins harmonieuse et équilibrée les deux espaces précédents. Autour de cela, le son des trompes et des pas ont aussi fait l’objet d’un traitement spécifique, principalement dans l’idée de souligner et d’accompagner le passage d’un mouvement à un autre (passage des musiciens d’une rive a l’autre).
S’en suit une recherche tout a fait empirique pour voir comment faire coexister ces différents espaces, pour quels rapports, quels poids et quelles échelles. Recherche dans laquelle nous avons vu s’opposer un point de vue conceptuel, poétique ou même spirituel, face a une approche plus sensible et intuitive qui prenait quelques libertés avec un contenu pour privilégier une "efficacité" et un "rendu" sonore.
Les techniques mises en oeuvre pour la réalisation de ces prises de son diffèrent assez nettement des codes et usages classiques de l’enregistrement en concert. Nous avons choisi le terme de « cartographie sonore » ou encore « échantillonnage spatial » pour tenter de nommer ce principe d’enregistrement, puisqu’il s’agit de scinder l’espace sonore en zones de captation.
Il est à préciser que le « pivot » ou « centre de gravité » de ces prises de son, qui deviendra par la suite notre référence dans l’écoute spatiale, demeure l’hexaphonie, un ensemble de six microphones identiques montés sur un support dessinant un hexagone régulier. Les techniques de reproduction en multiphonie permettent de retranscrire un univers sonore « a posteriori », de créer un « simulacre acoustique ».
Ces enregistrements demeurent donc l’unique matière brute de l’installation. Ou presque. Puisque dans un deuxième temps, nous avons réalisé des « réponses impulsionnelles », qui caractérisent la transformation d’un signal sonore dans un espace donné. Nous parvenons avec cette technique à identifier et enregistrer la « signature acoustique » ou « empreinte spatiale » des salles concernées.
Une production du GMEA, Centre national de création musicale d’Albi-Tarn | En partenariat avec l’Abbaye de Noirlac (18) et le Festival Musique des Lumières, Abbaye de Sorrèze (81) | Avec le soutien du projet GMEA - OSSIA et financé par l’Agence Nationale de la Recherche.